vendredi 10 avril 2009

Delerm, de l'art, de l'air, de l'âme


Je ne dirai jamais assez tout le bien que je pense de la programmation musicale de la salle Paul B. de Massy : elle a le don de promouvoir avant tout le monde les stars de demain et de donner envie de revenir à des chanteurs confirmés qui ont fait leurs premiers pas ici.
Ce soir, c'est Vincent Delerm qui s'y colle, alors forcément, on y va et on se dit : on ferait mieux d'arriver en avance. Vu le monde qui est déjà dans la salle à notre arrivée, on n'a pas été les seuls à penser cela.
Delerm, il n'est jamais tout à fait où on l'attend. On le croit maladivement timide, il est juste tranquille et nonchalant, aussi à l'aise sur une scène qu'un chat sur un coussin de soie. Ses chansons semblent millimétrées, faites pour le studio, en fait elles ne prennent véritablement toute leur dimension qu'en public, bulles de vie légères, spontanées, aux paroles changeantes au gré de ses humeurs et de ses concerts. On le croit snob et bobo, il cultive l'auto-dérision, le politiquement incorrect et ne prend jamais, au grand jamais, son succès au sérieux. Son public a entre 7 et 77 ans, il a désormais les cheveux tout gris mais il est né en 76 - il a donc deux ans de moins que moi. Il fait très 16ème, tendance Porte de Bagnolet mais il est né à Evreux et a fait ses études à Rouen. On l'imagine sous l'influence de chanteurs intello torturés, il se réclame d'Alain Souchon, a été lancé par le comique des Deschiens François Morel et introduit dans sa maison de disque par Thomas Fersen, qui, lui confiait, fine mouche :
- Toi, ta grand force, c'est que tu fais marrer les gens.

Ce soir, Delerm fait, au sens propre, son cinéma.
Fan de François Truffaut et de l'humour poétique de Jacques Tati, il nous donne à entendre la voix de Souchon sur fond de photo de Jean-Pierre Léaud, période Antoine Doinel, et recrée le décor de la maison de "Mon Oncle". Il s'imagine en héro d'un improbable pastiche de film muet des années 30 tout en chantant son désormais célèbre "Monologue Shakespearien", puis exhume d'hallucinantes "réclames" provinciales projetées dans les cinémas des seventies.

En cinq minutes, avant même la fin de la première chanson, Delerm, pas rasé et l'air de ne pas y toucher, a déjà tout le public dans sa poche. Il fait la moue.
- On va encore me dire : Quand même vos spectacles, c’est très référencé…

Il nous fait rire, Delerm.
Mais il ne fait pas que ça. Quand, après un énième rappel, il entonne, seul, en piano-voix, sa chanson-fétiche "Châtenay-Malabry", la mélancolie de ce couple de quinquagénaires dont les enfants ont quitté le nid et qui s'ennuient dans leur trop grande maison de banlieue nous prend aux tripes.
Discrètement, on essuie notre petite larme en prenant le chemin de la sortie.

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