samedi 14 mars 2009

Welcome... ou pas?

Vendredi soir, 20h15, devant le Cinémassy. Je rejoins la longue file d'attente des spectateurs impatients de découvrir "Welcome", le nouveau film de Philippe Lioret, et d'assister au débat avec le réalisateur, le co-scénariste Emmanuel Courcol et le comédien Vincent Lindon. Nous sommes tellement nombreux qu'on nous annonce que la grande salle prévue pour la projection est déjà pleine...
Il reste 80 personnes dehors, dont moi et on nous propose d'ouvrir une deuxième petite salle pour accommoder tout le monde : l'idée est de projeter le film dans deux salles en simultané, à partir de la même copie de film - il paraît que c'est techniquement possible, le cinéma de Massy a déjà réalisé cette prouesse... il y a 16 ans.
Soit, va pour l'exploit technique.
21h. Nous sommes confortablement installés dans les fauteuils de la petite salle, où le film "Séraphine" était initialement prévu. Quelques spectateurs, venus pour découvrir le destin hors du commun de cette femme-peintre, sont repartis bredouilles et furieux mais nous, on est content : on va pouvoir voir "Welcome" et assister au débat!
21h25. Après trois essais infructueux de projection simultanée, nous commençons à regarder nos montres et à perdre espoir. Philippe Lioret, qui fait la navette entre les deux salles pour occuper "son" public, nous annonce que décidément non, ça ne marche pas et que le projectionniste, au bord de la crise de nerfs, sue à grosses gouttes et vient de s'enrouler de rage dans la pellicule. Il faut se rendre à l'évidence : on ne verra pas "Welcome" ce soir.
21h26. Le réalisateur nous propose, soit d'assister à la projection de "Séraphine" dans la petite salle, soit, pour ceux qui ont de la suite dans les idées et une bonne condition physique, de s'asseoir par terre dans la grande salle pour voir son film. Naturellement, je choisis la deuxième option et me trouve une petite place juste devant le premier rang. Avantages : je suis en plein milieu et n'ai personne devant moi. Inconvénients : je suis TRES près de l'écran et dois m'allonger sur le ventre en prenant appui sur mes coudes, tête en arrière, pour bien voir. Les pubs ne sont même pas finies que j'ai déjà un torticolis.
21h50. Le film commence enfin, captivant, émouvant. A Calais, un ancien champion de natation devenu maître-nageur (Vincent Lindon), espérant impressionner son ex-femme, entreprend d'aider Bilal, un jeune réfugié Kurde de 17 ans en situation irrégulière, à passer en Angleterre... en traversant la Manche à la nage. Ces deux personnages un peu paumés s'attachent l'un à l'autre et poursuivent maladroitement, chacun à leur manière, l'espoir d'une vie meilleure : Lindon rêve de reconquérir sa femme, Bilal de retrouver son amoureuse à Londres et de jouer au football pour Manchester United.
Oui, mais "Welcome" n'est pas un conte de fée. Parfois, les bons sentiments sont interdits par la loi. Parfois, les flics rôdent et vos voisins ne vous veulent pas du bien. Parfois, rien ne se passe comme prévu.
"Welcome" est un film fort, qui sonne juste. Ce maître-nageur pas héroïque pour deux sous, ce pourrait être chacun d'entre nous. Et lorsque le jeune Bilal se cache dans un camion, un sac en plastique sur la tête, ou plonge dans l'eau glacée des plages du Nord, on a peur, on étouffe, on a froid, on souffre pour lui. S'il y avait un film qu'il fallait voir allongé par terre, avec des courbatures, c'était bien celui-là.
Minuit. La discussion bat son plein. Au final, il y aura peu de débat sur le fond : la salle est déjà aquise à la cause des réfugiés. D'ailleurs, que dire d'une loi qui interdit de prendre en stop un réfugié un jour de pluie, de lui offrir un sandwich ou d'accepter de recharger son portable? Comme le dit Lindon, beaucoup de gens ne font rien pour aider les réfugiés, et ils ont toutes les excuses du monde pour ne rien faire ; alors si ceux qui font quelque chose pour aider, justement, sont passibles de 5 ans de prison et 30000€ d'amende, où va-t-on?

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