samedi 22 novembre 2008

Entre les murs

C'est dans le cadre d'une projection-débat organisée par l'association de parents d'élèves FCPE, dont Régis fait partie, que nous visionnons "Entre les murs", la très médiatisée Palme d'Or au festival de Cannes 2008.
François Bégaudeau, ancien prof reconverti dans la littérature et auteur du livre éponyme dont est tiré le film, joue d'ailleurs le rôle du professeur de français, c'est-à-dire, à peu de chose près, son propre rôle. C'est dire s'il est plus vrai que nature. Quant aux adolescents qui interprètent ses élèves, on les dirait tout droit sortis d'une vraie classe de ZEP, ce qu'ils sont, puisqu'aucun d'entre eux n'est acteur, que tous ont été recrutés directement au Collège Françoise-Dolto (Paris XXè) et dirigés d'une main de maître par le réalisateur Laurent Cantet.

Que dire du film, sinon qu'il nous laisse sonnés, émus, déboussolés, enthousiastes, agacés, épuisés, pleins d'espoir et de révolte mais sans recettes toutes faites, sans véritables réponses?
On y parle de la difficulté de communiquer - entre prof et élèves, entre adultes et adolescents, entre profs et parents, entre parents et enfants, au propre comme au figuré : parce qu'on ne se comprend pas, parce qu'on ne parle pas la même langue (français, verlan, parlé banlieue, arabe, malien, chinois etc.), parce qu'on ne s'écoute pas, parce qu'on ne se connaît pas assez bien.
On y parle de la volonté d'un enseignant de se démarquer de l'institution, de se mettre à la portée de ses élèves, et de son échec relatif, ensuite, à les tirer vers le haut, à les hisser au niveau du programme.
On y parle d'exigence, celle qu'on devrait toujours avoir à l'esprit, et du renoncement à l'exigence, quand on n'y croit plus, quand on est usé et revenu de tout.
On y parle de discipline et de respect, ce que les élèves n'ont peut-être plus, ce qu'il faut réapprendre mais autrement.
On voit les errements, les tâtonnements d'un prof qui, dépassé par l'attitude de ses élèves, se met à parler le même language, à s'emporter comme eux, à déraper comme eux, et à regretter comme eux. On voit les élèves, agités, vivants, insolents, racistes, intelligents et ignorants, jamais battus, toujours sur la brèche.
On y parle de liberté et de dialogue, d'envie et de motivation, de la vie à l'extérieur de l'école qui n'est pas toujours ce qu'elle devrait être. Et d'ailleurs que peut faire l'enseignant lorsque cette vie extérieure, avec ses terribles réalités (violence, décès d'un proche, reconduction à la frontière) déborde et fait irruption "entre les murs" de l'école?

On pense à cette élève, irrespectueuse et drôle, qui s'agite en cours mais qui a lu, de sa propre initiative, "La République" de Platon. Et à ce gamin, pas méchant, à qui il faut répéter à chaque entrée en classe d'enlever son bonnet. A ce jeune Chinois, parlant à peine français mais travailleur, dont la mère va être expulsée hors de France. Et à cette jeune fille, terrifiée, qui avoue à son prof principal à la fin de l'année scolaire qu'elle n'a "rien compris, rien du tout".
On entend le bruit assourdissant d'une classe de 4ème, on voit la fatigue des enseignants, la guerre des nerfs, les discussions ineptes lors des conseils d'école sur l'avenir de la machine à café, les grandes opinions qui s'affrontent et malgré tout, la vie qui continue. Jusqu'à la rentrée prochaine.

On voit cela, et on n'a pas envie d'être prof. Dur métier.

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