samedi 17 mai 2008

A l'Opéra : Beethoven en paix

Attention, tenez-vous bien : CE SOIR, JE CHANTE A l'OPERA DE MASSY (excusez du peu) la Messe en Ut de Beethoven. Je serai (discrètement) aidée par mes 200 congénères choristes et par la cinquantaine de musiciens de l'Orchestre de l'Opéra mais enfin, il y a des jours comme ça où on peut se permettre de frimer un peu.

Au cours de la répétition générale qui a lieu l'après-midi, ma voisine, très professionnelle, me souffle :
- Je ne chante pas les parties les plus aiguës car je veux préserver ma voix pour le concert de ce soir...
L'excitation et le trac gagnent les rangs des chanteurs : on n'est pas encore tout à fait au point et pourtant, ce soir, il faudra que tout soit parfait.

Le concert débute à 20h avec une création de musique contemporaine intitulée, non sans humour, "Quiès". L'idée du jeune compositeur est de reproduire le type de sons entendus à travers des boules Quiès, en hommage à la surdité de Beethoven. Le résultat est virtuose, étonnant et laisse perplexe une bonne partie de la salle, composée en majorité de septuagénaires bien peignés. Aucune mélodie ne se dégage mais je m'amuse à deviner quel instrument produit les sons tantôt grinçants, tantôt ouatés. Lorsque le morceau est soudainement perturbé par un technicien qui téléphone bruyamment dans les coulisses, l'espace d'un instant, on se demande si cela fait partie du spectacle. Imperturbable, la jeune femme chef d'orchestre a des gestes d'une grâce et d'une précision infinies.
Puis l'Orchestre symphonique de Massy revient sur un terrain plus classique et plus consensuel avec la 7ème symphonie de Beethoven, une des plus difficiles à jouer paraît-il. Alors que j'admire la maîtrise et la fougue de Dominique Rouits, le chef d'orchestre en titre de l'Opéra de Massy, je suis soudainement frappée par sa ressemblance avec l'Inspecteur Morse, alias l'acteur britannique John Thaw : visage large, front dégarni, nez fort et yeux bleus perçants, bedaine proéminente, silhouette trapue, il a son énergie tantôt contenue, tantôt explosive et son élégance nonchalante. C'est sous les applaudissements frénétiques de la salle qu'il lisse ses cheveux et remet en place le col froissé de sa veste de smoking.

Enfin, c'est notre tour d'entonner cette Messe en Ut sur laquelle nous avons tant souffert. L'impression est fabuleuse : grisée par la musique et la solennité de la salle, je n'ai jamais eu autant de plaisir à chanter. Et le résultat collectif est à la hauteur : c'est sans aucun doute notre meilleure prestation.
Quant à ma voisine, elle est restée singulièrement silencieuse pendant les passages les plus ardus ; à force de préserver sa voix, elle a dû tout bonnement oublié de chanter.

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